La guerre civile qui continue de faire rage en Libye a englué le pays dans un brouillard de mensonges, de distorsions et de discours ségrégatifs qui s’est propagé aux réseaux sociaux et aux sites d’information en ligne libyens. Les contenus, créés et alimentés par des acteurs étrangers, n’ont fait qu’ajouter à la confusion. La difficulté à distinguer le vrai du faux a été cause de démoralisation et de méfiance chez un grand nombre de Libyens.
Le conflit libyen oppose le Gouvernement d’union nationale, reconnu par les Nations unies et installé dans la partie ouest de Tripoli, à un ensemble de milices au service du militaire Khalifa Haftar, commandant en chef de l’Armée nationale libyenne (LNA), qui contrôle une partie du territoire à l’Est. Afin de déstabiliser des acteurs tels qu’Haftar (soutenu par l’Égypte, la Russie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU)), il a été jugé bon de diffuser en masse sur Internet des informations erronées pour grignoter du terrain. Les forces alliées d’Haftar ont cherché à prendre l’avantage dans cette lutte en semant la confusion quant aux motifs et aux tactiques des groupes rivaux et en dissimulant des informations susceptibles de coûter à la LNA le soutien populaire dont elle jouissait auprès de Libyens ordinaires. Elles ont été soutenues par des entreprises en ligne liées à l’oligarque russe Yevgeny Prigozhin et son groupe Wagner composé de mercenaires russes qui ont contribué à diffuser sur les réseaux sociaux libyens des discours clivants. Les efforts visant depuis l’étranger à saper la constitution d’un public éclairé et engagé démocratiquement dans l’espace virtuel libyen devraient se prolonger au-delà d’éventuelles trêves négociées sur le champ de bataille.
Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique a échangé avec Khadeja Ramali, fine connaisseuse des réseaux sociaux libyens et fondatrice d’une communauté numérique destinée aux femmes libyennes, sur cet environnement complexe et sur les stratégies mises au point par les Libyens pour contrer la désinformation en ligne.
* * *
Qui est à l’origine de la désinformation en Libye et quelles formes prend-elle plus particulièrement dans le cyberespace du pays ?
Actuellement, l’espace numérique libyen est marqué par une grande fragmentation et pâtit, à des degrés divers, d’une désinformation émanant d’un ensemble d’acteurs locaux, étatiques et internationaux. Les campagnes de désinformation les plus sophistiquées et les mieux coordonnées ont été le fait de pays étrangers, plus particulièrement des EAU, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, en vue d’apporter un soutien direct à l’Armée nationale libyenne (LNA), mais ont également résulté de l’intervention multidimensionnelle de la Russie dans les médias locaux d’une manière souvent favorable à la LNA. Ces acteurs étrangers ont su se servir de l’espace numérique de la Libye pour faire progresser leurs intérêts sans avoir à assumer les effets déstabilisateurs de leurs actes.
Dès 2014, de nombreux comptes Twitter factices créés depuis les EAU et l’Arabie saoudite, couvrant une grande partie du réseau, ont cherché activement à évincer la voix de véritables acteurs locaux en postant et en créant de nombreuses publications avec hashtag dans le but d’amplifier le sentiment nationaliste en Libye. À partir de 2019, plusieurs milliers de comptes de ce type ont été exploités dans le but de glorifier Khalifa Haftar et ses campagnes militaires. Ils faisaient notamment figurer des images des luttes menées par Omar Mukhtar (au début du vingtième siècle) contre la colonisation italienne en vue d’établir une corrélation entre la LNA et la lutte menée contre les envahisseurs étrangers et les terroristes.
Une autre tactique de ces comptes factices a consisté à arabiser le conflit, à ériger la Turquie, qui soutient le gouvernement el-Sarraj, en représentante de l’Empire ottoman, et à laisser entendre que la Libye pourrait devenir « le cimetière des Turcs ». Pour chacune des campagnes lancées sur les réseaux sociaux, les messages étaient diffusés vers un point donné en fonction des cibles et des objectifs recherchés. Nombre de ces campagnes ont été organisées par des entreprises égyptiennes qui connaissaient les dialectes mais aussi les problématiques locales du pays.
Les acteurs du groupe Wagner soutenus par la Russie ont de leur côté été davantage présents sur Facebook et ont recouru à des formes de désinformation plus subtiles en embauchant des conseillers libyens et en créant des franchises au plan local, afin que la désinformation rencontre plus rapidement la population. Ces groupes s’appuient sur les griefs de la population, qu’ils grossissent ; ils pointent du doigt et rendent publics des sujets de mécontentement propres à attiser la passion des internautes, dès lors plus enclins à accueillir favorablement les discours de la Russie sur le conflit. Nombre de ces discours sont apparus comme des tests sur différents messages, parfois contradictoires, afin de voir ce qui produirait l’effet le plus sensationnel. Par contraste, les comptes des EAU et de l’Arabie saoudite se sont révélés très bien coordonnés dans leur volonté de cibler des objectifs précis.
« Ces groupes s’appuient sur les griefs de la population, qu’ils grossissent ; ils pointent du doigt et rendent publics des sujets de mécontentement ».
S’agissant du Gouvernement d’union nationale, les données dont nous disposons pour l’instant montrent que la Turquie et le Qatar ont beaucoup moins participé à la désinformation en ligne et ont préféré consacrer leurs ressources à véhiculer des messages sur leurs chaînes et journaux étatiques traditionnels plutôt que par le biais de comptes factices ou de comptes de réseaux sociaux en franchise. Ils ne recourent pas à la désinformation ou à la manipulation de données en ligne, en partie parce que contrairement à la LNA et aux forces ralliées à Haftar, qui sont régulièrement associées à des atteintes aux droits de l’homme, le Gouvernement d’union nationale ressent moins la nécessité de vilipender l’autre camp pour excuser des exactions qu’elle commettrait à l’égard de citoyens.
Enfin, au plan local, l’environnement informationnel est modelé par des milices. La plus grande partie de ces milices émane du noyau de Misrata rallié au Gouvernement d’union nationale. Elles sont très actives sur Facebook. Leurs actions en tant qu’« influenceurs en temps de guerre », comme je les appelle, sont plutôt efficaces. Elles se présentent comme des journalistes citoyens ou envoient en tant que milices des contenus publiés directement depuis la ligne de front. Elles diffusent surtout des vidéos, conçues avec leurs moyens propres. Le contenu de ces publications vise à maintenir le moral, à gagner la confiance de la population et à dénigrer l’ennemi au travers de leurs plateformes. D’autres milices de moindre importance procèdent également ainsi, sans toutefois posséder les mêmes connaissances d’internet. Tous les éléments de désinformation produits par ces groupes sont du même ordre : des affirmations limitées faisant état de la capture de prisonniers ou de la prise d’équipements ennemis, dont on ne sait si elles sont vraies ou fausses. Ces affirmations ne semblent pas coordonnées et paraissent bien insignifiantes par rapport aux discours d’envergure véhiculés par les réseaux des EAU et de l’Arabie saoudite.
Quels sont les changements qui ont façonné le paysage internet de la Libye au cours de la dernière décennie ?
En 2011, seule une petite portion de la population libyenne, environ 6,5 millions d’habitants, était active en ligne et possédait des smartphones. L’espace numérique était contrôlé de très près par le régime de Kadhafi et se connecter à internet coûtait cher. De grands changements se sont opérés après la révolution. En 2013, l’activité en ligne s’est accrue lorsque les Libyens ont commencé à s’inscrire sur les réseaux et lorsque les espaces liés aux médias numériques ont pris un envol, quoi qu’ils fussent à l’époque encore contrôlés par les membres de la diaspora libyenne. Il existait alors un fort pouvoir d’entraînement de la part des organisations internationales. Puis la naissance des conflits et de la guerre civile a donné lieu à de nombreux assassinats et enlèvements prenant pour cible des personnalités connues des médias en Libye. Benghazi avaient à déplorer tant d’assassinats à un moment donné qu’il devenait difficile de les comptabiliser. Les gens ont commencé à craindre de s’exprimer spontanément en ligne. Mus par la peur, de nombreux Libyens se sont retirés des discussions en ligne portant sur la politique ou les affaires courantes et se sont tenus à l’écart du web, préférant adhérer à de petits groupes fermés en ligne. Ces conversations étaient toutefois également contrôlées, en raison du risque d’infiltration de personnes de l’extérieur animées de mauvaises intentions. Les espaces numériques s’en sont trouvés fragmentés et un manque d’information s’est fait jour. La couverture des médias internationaux s’est tarie, et plus personne ne parlait de ce qui se passait. Ainsi, les personnes affiliées à et protégées par des groupes armés, des partis politiques tels que les Frères musulmans ou d’autres groupes puissants se sont retrouvées en première ligne pour venir combler ce vide.
La situation a véritablement empiré après l’offensive, soutenue par le Qatar, des milices de « Libya Dawn » en 2014, qui a conduit à la prise de Tripoli et à l’évacuation de la communauté internationale du pays. Il n’existait plus alors dans le pays aucun média indépendant ni aucune source d’information fiable qui ne soit filtrée par des canaux étrangers. La confusion régnait, et règne encore aujourd’hui. Celui qui apparaît aux yeux d’une personne comme un terroriste sera pour une autre un combattant pour la liberté. Plus récemment, on a vu émerger de faux journalistes dans le but d’organiser une propagande au sein de divers médias, et notamment d’émettre des recommandations politiques autour du conflit libyen. De plus, des personnalités présentes sur les réseaux sociaux et des influenceurs profitant de ce contexte de guerre font en sorte de diffuser des discours de haine et des discours politiques auprès du peuple libyen.
Pourquoi ces campagnes de désinformation ont-elles été si efficaces en Libye ?
Pendant quatre décennies, le régime de Kadhafi est demeuré la seule source d’information en Libye. Quoique limitée, cette information permettait aux habitants de savoir à partir d’une seule source ce qu’ils avaient besoin de connaître. Lorsque la brèche s’est ouverte entre 2011 et 2013, aucune institution ou structure ne pouvait plus se prévaloir de diffuser des éléments fiables, certains organismes publics détenant deux, voire trois page Facebook, sans qu’il soit possible de déterminer laquelle était officielle. De nombreux citoyens se sont alors retrouvés face à une grande masse d’informations dont il leur était difficile d’évaluer la légitimité. La mise en place d’un média numérique visant à diffuser des données objectives dans le pays a tourné court avec l’émergence de groupes armés qui ont imposé le silence aux voix indépendantes et monopolisé l’information comme au temps de Kadhafi. Dans ce contexte, la désinformation et les conflits ont pris un tour plus radical sur les réseaux sociaux. Les algorithmes des réseaux sociaux sont souvent programmés de sorte à montrer aux utilisateurs des contenus similaires à ceux qu’ils ont aimés ou des pages similaires à celles qu’ils suivent déjà. Ainsi, dans des espaces numériques envahis par des sources d’information fausses ou tendancieuses, il s’en faut de peu pour que les expériences en ligne des utilisateurs deviennent de simples caisses de résonnance où la diversité des opinions ne peut s’exprimer et où les informations fiables n’ont pas leur place.
Quels sont les effets de la désinformation sur la société libyenne ?
L’impact de cette situation, par laquelle de nombreux utilisateurs d’internet libyens sont tombés dans un gouffre de désinformation et sont devenus de simples caisses de résonnance engloutissant les voix locales dans la masse de comptes factices, a aggravé les divisions au sein de la société libyenne. L’expérience que peut avoir un Libyen des réseaux sociaux sera complètement différente selon qu’il vit dans le sud de la Libye ou dans l’ouest ou l’est du pays. Leur expérience virtuelle leur donne une vision du monde totalement différente. Certains ont su comment contourner ce problème et trouver d’autres voix, mais beaucoup, las du manque de fiabilité, ont fini par entretenir une paranoïa et une méfiance à l’égard de toutes les informations au-delà de leur voisinage direct ou des pages locales des réseaux sociaux, souvent l’unique moyen d’obtenir des informations sur les actualités. Certaines personnes se sont imposées comme des sources fiables au sein d’un quartier ou d’une ville. Je leur ai donné le nom de « connecteurs », car ils sont chargés de diffuser l’information au sein d’une petite communauté.
« Cette diabolisation des opposants politiques risque de constituer un obstacle majeur à toute sorte de dialogue ou débat politique à l’avenir ».
Mais que se passe-t-il si ces personnes ou entités sont orientées ? Dès qu’elles se sont constituées un contingent de followers sur leurs plateformes, elles courent le risque d’être récupérées et payées par un groupe armé ou une campagne politique. Tout est alors déformé, et l’on revient au modèle de Kadhafi mais à une échelle moindre, nettement plus localisée. Le contenu que je peux lire en ligne à l’heure actuelle incite vraiment à la haine envers des habitants d’autres régions du pays et encourage l’aveuglement émotionnel : plus personne ne veut alors écouter l’autre camp car ce qu’il dira sera forcément faux et incarnera le mal. La puissance de ces discours clivants est d’autant plus remarquable que les différents groupes libyens impliqués partagent une langue et une religion communes. Cette diabolisation des opposants politiques risque de constituer un obstacle majeur à toute sorte de dialogue ou débat politique à l’avenir.
Ce climat de division et le fait que la plupart des Libyens s’apparentent à des caisses de résonnance de ce qui se passe sur les réseaux a eu pour effet d’entraver le travail de vérification des faits et l’œuvre des médias traditionnels. Toutefois, certains groupes tels que la Deutsche Welle Akademie ont persévéré dans la mise en œuvre de programmes de vérification des faits en soutien aux journalistes libyens. Ces initiatives leur ont permis d’améliorer leurs compétences en matière de recherche numérique, de mieux distinguer la validité des sources en ligne et de renforcer le professionnalisme de leurs salles de rédaction. Il faut espérer que le journalisme de qualité fournisse une alternative fiable et attrayante aux discours clivants.
Afin de rétablir la confiance dans les médias, il faut protéger les journalistes et leur donner la possibilité de s’exprimer librement. Les journalistes ont sollicité de nouvelles lois dans ce sens. Le Centre libyen pour la liberté de la presse a organisé une conférence en 2019 avec le soutien de l’association International Media Support basée à Copenhague afin de débattre de ces questions. La recommandation clé qui en est ressortie a été la création d’une autorité des médias indépendante chargée de contrôler le respect d’une déontologie en matière de journalisme.
Quelles stratégies avez-vous, avec d’autres Libyens, mis au point pour identifier et combattre la désinformation et maintenir en ligne des espaces sûrs où chacun puisse s’exprimer librement ?
Je crains que les Libyens aient oublié les progrès réalisés entre 2011 et 2013 et les petites libertés acquises à ce moment-là en ligne. J’étais alors très optimiste et peut-être naïve, avec le recul, en espérant créer des espaces virtuels sûrs permettant aux femmes libyennes d’échanger en ligne. Lorsque les espaces numériques publics sont devenus trop dangereux, nous avons tenté de créer des pages fermées et d’assurer un lien entre les différentes régions, afin de relier les « connecteurs » et les courtiers en données et d’entamer un dialogue. Nous cherchions essentiellement à combattre les algorithmes des réseaux sociaux afin de pénétrer les opinions véhiculées dans d’autres régions et communautés. Mais finalement le projet a pris tellement d’ampleur et a acquis tant de visibilité qu’il a fallu à nouveau y mettre un terme. Un grand nombre de femmes avec qui nous étions en relation sont restées présentes sur des réseaux en ligne informels, dont le risque est difficile à contrôler. Il m’apparaît ainsi difficile de s’appuyer sur ces avancées, car en raison du conflit présent, tout ce que vous dîtes en ligne peut faire de vous une cible ou vous mettre en danger. Nous avons en effet atteint un point paroxystique où des anonymes ou des personnes qui se cachent derrière des comptes factices peuvent aggraver les clivages sans avoir à en assumer les conséquences, tandis que ceux qui tentent ouvertement de promouvoir le dialogue et la réconciliation s’exposent à des risques.
« Facebook constitue le premier moyen de communication des deux-tiers des Libyens. … [Ce réseau] a relégué à l’arrière-plan la lutte contre la désinformation dans les pays non occidentaux ».
Aujourd’hui, Facebook constitue le premier moyen de communication des deux-tiers des Libyens. Facebook concentre une grande partie de l’attention en ligne concernant les aspects politiques, commerciaux et sociaux de la Libye, alors que les règles applicables à ce réseau ne sont pas adaptées aux pays où sévissent des conflits. Comme la plupart des entreprises de réseaux sociaux, Facebook donne la priorité aux marchés occidentaux et a relégué à l’arrière-plan la lutte contre la désinformation dans les pays non occidentaux.
Nous devons globalement, à l’échelle du pays, trouver des moyens de nous réapproprier l’espace numérique et d’inventer de nouvelles formes de communication. Pour nous y atteler, il me semble important de créer une institution de recherche indépendante, dont l’action locale se ferait avec le soutien de la population et qui serait chargée de collecter des informations et d’analyser la manière dont les réseaux sociaux façonnent la société libyenne, mais aussi comment ces plateformes sont polluées et manipulées par la désinformation et les acteurs étrangers. Nous disposons de quelques données sur ce thème, mais notre connaissance mériterait encore largement d’être éclairée. Dans notre pays, nous ne disposons pas de l’équivalent d’un EU disinfo lab ou d’un Stanford Internet Observatory pour rassembler des informations et discuter avec les entreprises de réseaux sociaux de la manière dont leurs plateformes servent parfois à créer un climat d’instabilité. Il conviendrait que ces entreprises s’engagent en faveur d’un ajustement local et d’une transparence accrue quant à leurs politiques vis-à-vis des réseaux de désinformation en Libye. Il nous faudrait des moyens supplémentaires pour obtenir ce type d’informations, pour influencer les décisions politiques et pour combattre la désinformation plus localement en Libye.
Comment les espaces numériques peuvent-il contribuer à consolider la paix en Libye ?
À l’avenir, nous pourrions nous servir du web pour créer un lien entre des communautés éloignées de Libye et ainsi générer un sentiment d’unité au plan national, comme nous l’avions fait au départ avant que les choses ne deviennent trop dangereuses. Dans certains pays sud-américains sortant de conflit, des programmes radiophoniques ont été organisés afin de partager des récits de vie de personnes issues de différentes régions et afin de rendre son humanité à l’ennemi. Ce partage de récits personnels a permis de tisser à nouveau des liens entre les différentes régions. Il serait possible de faire de même avec les espaces numériques en Libye.
Nous devons entendre des personnes qui existent réellement et instaurer une relation empreinte de bienveillance entre l’Est et l’Ouest en mettant l’accent sur leurs points communs. Tout commence toujours par là. Et c’est ce que le web peut offrir en permettant à des personnes vivant éloignées de se rencontrer, d’échanger et de se raconter des morceaux de vie impliquant des personnalités locales et des « connecteurs ».
Le processus de la Conférence nationale libyenne de 2018 et de 2019 montre bien que les réseaux sociaux peuvent servir à mettre en lien des Libyens partageant des opinions différentes. La conférence était ouverte à tous les Libyens sur des sites en ligne créés par le Centre pour le dialogue humanitaire basé en Suisse. Sept mille Libyens y ont participé au travers de 77 consultations publiques. Ce processus a identifié plusieurs éléments de consensus importants au plan national, parmi lesquels la volonté d’instaurer des institutions gouvernementales unifiées, efficaces et aptes à assurer la sécurité mais aussi à garantir leur souveraineté contre toute ingérence étrangère.
Autre exemple illustrant la convergence des Libyens, sur laquelle on peut s’appuyer : la réaction des Libyens à la proposition de diviser le pays et d’en finir au plus vite avec cette question. De nombreuses voix se sont élevées de tous les coins du pays pour déclarer que, non, il ne fallait pas s’y résoudre : trop d’histoire, trop de sang versé, trop de choses en commun. Nous n’accepterons pas de diviser le pays. Nous pouvons nous appuyer sur ce socle dans le cadre d’initiatives futures. Nous aurons besoin localement de soutiens et de moyens pour que de tels projets voient le jour. Ce sera chronophage et énergivore, mais j’y crois.
Khadeja Ramali est une conseillère indépendante qui étudie la population libyenne et les espaces numériques du pays depuis 2014.
Ressources complémentaires
- Harriman Institute for Russian, Eurasian, and East European Studies, Columbia University, « Russia’s New Tools of Influence in Africa », discussion collégiale, 18 juin 2020.
- Tarek Megerisi, « Les enjeux géostratégiques de la guerre civile en Libye », Bulletin de la sécurité africaine, n° 37, Centre d’études stratégiques de l’Afrique, mai 2020.
- Shelby Grossman, Daniel Bush et Renée DiResta, « Evidence of Russia-Linked Influence Operations in Africa », Stanford Internet Observatory, 29 octobre 2019.
- Stanford Internet Observatory, « Libya: Presidential and Parliamentary Elections Scene Setter », 2 octobre 2019.
- Christopher Ajulo, « Africa’s Misinformation Struggles », The Republic, volume 3, n° 3, 6 septembre 2019.
- Joseph Siegle, « Recommended U.S. Response to Russian Activities in Africa », Russian Strategic Intentions White Paper, NSI, 9 mai 2019.
- Joseph Siegle, « Managing Volatility with the Expanded Access to Information in Fragile States », Le développement à l’âge de l’information, février 2016.
- Stephen Livingston, « Système d’information en évolution sur le continent africain : La voie de la sécurité et de la stabilité », Papier de recherche n° 2, Centre d’études stratégiques de l’Afrique, 31 mars 2011.
En plus: Désinformation Libye